Alain Serge Dzotap et Anne-Catherine De Boel, Le roi et le premier venu
École des loisirs, collection Pastel, reliure cartonnée, pages, 13,80 € – à partir de 5 à 7 ans
L’album s’ouvre sur le paysage paisible d’une savane africaine où semblent vivre en harmonie girafes, gazelles, gnous et zèbres sous le regard protecteur et bienveillant du roi lion. Mais voilà que ce bon roi se figure devoir faire acte d’autorité, voire de terreur sur ses sujets pour mériter son rang royal. Comment faire ? Après quelques essais infructueux d’intimidation de ses sujets, pris d’une énorme colère, il s’adresse au premier venu et lui demande conseil. La hyène, puisqu’il s’agit d’elle, trop heureuse de l’aubaine, commence par lui conseiller d’édicter une liste de choses interdites qui mèneront les contrevenants au cachot. Le lion avoue sa totale inexpérience et c’est donc le premier venu qui se charge de rédiger la liste des interdits, d’une grande absurdité. Suivant ces préceptes, le roi va ainsi mettre en prison la plupart de ses sujets. Et quand l’image de la brousse revient, elle est déserte et dominée par un lion certes couronné mais qui va se sentir bien seul. Le premier venu est devenu le véritable maître et, quand il n’invente pas des interdits toujours plus stupides – comme enfermer tout œuf qui roule ! –, il s’empiffre. Le lion souffre de sa solitude. Il veut se distraire et rappelle la grue couronnée afin qu’elle lui joue un peu de musique sur son balafon. Mais les sons sonnent faux parce qu’elle ne peut exprimer la vérité. Il faut bien enfin ouvrir les yeux au roi. Le premier venu est un imposteur qui a détruit l’équilibre et la paix de la brousse. Il sera chassé d’un coup de griffe royal. Après quoi tout rentre dans l’ordre. L’image finale du crépuscule évoque la paix, la vie et le bonheur retrouvés.
Deux éléments donnent à cet album un véritable bonheur de lecture, son caractère apologétique d’une part, et la force, l’esthétique des illustrations d’autre part.
L’apologue est assez clair pour nos jeunes lecteurs, même s’ils n’ont pas encore rencontré La Fontaine. L’exercice du pouvoir n’appelle pas forcément la violence et un roi ne doit pas se fier au premier venu. Les conseillers peuvent être stupides, détruire l’harmonie d’une société et surtout agir uniquement pour leur propre profit. Il est alors bon que quelques voix sachent s’élever pour le dénoncer.
Le graphisme sert magnifiquement cette leçon. Le premier venu est peint sous les traits d’une hyène, au rictus repoussant et à la silhouette peu élégante. Sa cruauté et sa bêtise sont évidents au premier regard. Les traits du lion savent évoquer sa force, sa possible violence comme sa bonté et sa bienveillance. Quant au traitement du cadre, fait de plusieurs techniques de peinture et d’impression, il contribue à entraîner le lecteur dans l’univers paisible et heureux d’une brousse que l’on souhaite épargnée et respectée.
C’est donc un album réussi, tant pour le texte que pour le graphisme. Une belle leçon qui peut être reçue par les jeunes lecteurs comme par leurs aînés qui les aideront à entrer dans l’histoire. [Voir l’ouvrage sur le site de l’éditeur]
Christine Perrin, 18 mars 2017
À propos de l’auteur et de l’illustratrice :
Alain Serge Dzotap est né au Cameroun en 1978 à Bafoussam, dans son pays Bamiléké. Cadet de dix enfants, c’est à l’école qu’il a découvert pour la première fois des histoires. Depuis ce temps, il n’a plus arrêté de lire des histoires venues des quatre coins du monde. Il écrit des histoires pour les enfants, des poèmes, des articles sur la littérature de jeunesse, anime des ateliers d’écriture et fait des animations-lecture.
Anne-Catherine De Boel est née en 1975 à Namur, en Belgique. Elle a étudié l’illustration à l’Institut Saint-Luc de Liège et conçu presque aussitôt son premier livre Rafara, mais ce qui compte surtout pour elle, c’est un certain goût de l’aventure et des pays lumineux. Ainsi, elle a réalisé les cartes et affichesd 'un théâtre en Italie ! De retour en Belgique, elle rêve de l’Afrique pour sa palette de couleurs gorgées de soleil et de chaleur et imagine de nouvelles histoires où il se passe plein de choses. Ses techniques sont différentes selon le sujet, le papier et l'humeur, mais elle utilise principalement la gouache et l’acrylique. Elle a déjà une dizaine de titres à son actif.
Ensemble, ils ont déjà publié chez le même éditeur Tu sais que je t’aime très fort, en 2013.